« Le rôle de la chaudronnerie dans la parfumerie grassoise. »

Résumé de la conférence de Luc Tournaire.

Parce que la parfumerie ne peut exister sans la chaudronnerie (J.C. Ellena)

Les Alambics

Le premier alambic connu en France sous sa forme primitive remonte au 13e siècle en provenance d’Espagne et tire son nom de l’arabe : AL -IMBÏQ. A cette époque il est utilisé pour obtenir des alcools de fruits (eaux de vie) et des eaux parfumées notamment celle de rose et de l’oranger.

Dans les années 1830, Grasse compte six chaudronneries, dont celle de Joseph Tournaire, seule présente aujourd’hui. Le premier modèle Grassois est composé d’une cucurbite, d’un chapiteau à col de cygne et d’un condenseur réfrigérant à serpentin immergé. C’est l’époque ou à dos d’âne puis sur un chariot sont transportés les alambics (dit de campagne) dans les champs de fleurs. L’eau et le combustible pour la chauffe sont trouvés sur place. La demande d’eaux florales puis d’huiles essentielles devenant plus importante, la capacité des alambics à feu nu augmente jusqu’à 3000 litres. Intransportable, car trop lourd, les alambics sont installés dans les usines grassoises ou au plus près des cultures.

La chauffe à feu nu étant lente et demandant une surveillance constante, au risque de brûler les matières végétales, apparait dans les années 1870 le chauffage à vapeur sous pression et les alambics à double fond. Les chaudronniers grassois, à l’origine de cette invention, vont exporter partout cette technique. Avec les années, les alambics sont améliorés afin de répondre aux demandes de l’industrie grassoise, qui prend son essor grâce aux développements des transports, ceux-­‐ci assurant les approvisionnements en matières végétales.

Les extracteurs

Parallèlement à l’utilisation des alambics au 13e siècle, on retrouve dans des documents anciens que certains nombres de fleurs odorantes, et en particulier la rose et le jasmin sont capables de transférer leurs parfums aux corps gras , alors que ceux-ci sont détruit lors de la distillation dans les alambics. L’industrie du parfum grandissant, les Grassois développe la technique de l’enfleurage. Technique qui consiste à déposer une à une des fleurs sur des châssis en bois, couvert de graisse, puis à récupérer cette graisse saturée d’odeur pour en extraire le parfum par lavage successif à l’éthanol. L’extrait s’obtient après avoir fait évaporer l’alcool, et prend de nom d’absolu de pommade ou d’extrait de pommade.

Avec la découverte des solvants aromatiques dans les années 1930, qui permet des extraits débarrassés de l’odeur de gras donc plus proches de l’odeur naturelle, les chaudronniers construisent pour les usines grassoises des unités d’extraction aux solvants volatils ; solvants qui sont inflammables et peuvent créer au contact de l’air un mélange détonnant, voir toxique. Priorité est donc donné à la sécurité.

Ainsi, après les huiles essentielles, les extraits de pommade obtenus par enfleurage, apparait les absolus de concrète obtenues par extractions directes aux solvants volatils dérivés du pétrole. L’obtention se fait en deux étapes :

La première en mettant en présence la matière végétale et le solvant sélectionné. Celui-ci après évaporation donne la concrète.

La deuxième étape consiste à diluer la concrète dans l’alcool (éthanol) puis de glacer ce mélange afin de précipité les cires non odorantes, constituant 50% de la concrète, puis de récupérer l’alcool saturé du parfum végétal. L’alcool récupéré est ensuite concentré sous vide, à faible température, pour donner l’absolu qui sera utilisé tel quel dans les parfums.

Rectification, fractionnement, déterpénation

Pour répondre à la demande des parfumeurs désirant des produits au plus près de l’odeur naturelle, les chaudronniers construisent des appareils à distiller sous vide les huiles essentielles (ce qui permet d’abaisser la température de chauffe) et les équipent de colonnes de distillation plus en plus performantes, afin d’offrir des essences déterpénées (les terpènes ayant peu d’odeurs) ou de fractionner les mêmes huiles essentielles pour obtenir des essences sur mesure.

Ellena Jean-Claude 9/2016

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